Comment liquider les comptes bancaires d'une succession en usufruit/nue-propriété ?

Boris
Cofondateur & CEO
BLOG24 octobre 2023

Il est fréquent que les comptes bancaires qui relèvent d’une succession soient recueillis en usufruit/nue-propriété par les héritiers.

C’est par exemple le cas lorsque le défunt laisse un conjoint et des enfants. Dans cette situation, le conjoint survivant hérite en principe d’un usufruit et les enfants de la nue-propriété des comptes bancaires. Au décès du conjoint survivant, les enfants seront plein propriétaires des comptes et pourront (enfin) disposer des liquidités.

Cette situation soulève généralement deux questions :

Comment éviter une double taxation ? Les avoirs bancaires sont taxés lors de la première succession. Si les héritiers laissent les avoirs bancaires du défunt sur le compte du conjoint survivant, il y a un risque que les mêmes biens soient taxés une seconde fois au moment du décès du conjoint survivant (qui n’était qu’usufruitier des comptes).

Comment partager les avoirs bancaires entre les héritiers ? A défaut de partage entre les héritiers, les avoirs bancaires sont placés sur un compte spécial usufruit/nue-propriété. Dans ce cas, il faut l’accord de tous les héritiers pour utiliser ces avoirs bancaires.

Vous trouverez dans cet article les éléments de réponse nécessaires.

Que signifient l'usufruit et la nue-propriété sur un compte bancaire ?

Lorsque l'usufruit et la nue-propriété portent sur un compte bancaire, cela signifie que :

- l'usufruitier perçoit les revenus (intérêts et dividendes) produits par les comptes et gère le compte. En contrepartie, l'usufruitier supporte les charges annuelles (exemple : frais bancaires, etc.) et les impôts ;

- le nu-propriétaire dispose d'un droit de regard sur le capital.

Cette situation présente peu d’intérêt pour les parties : l’usufruitier perçoit peu ou pas de revenus et le nu-propriétaire ne peut pas utiliser le capital qui est bloqué jusqu’au décès de l’usufruitier.

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Taxation d'un bien détenu en usufruit et nue-propriété

Si au décès du premier conjoint, les héritiers immatriculent les avoirs bancaires sur un compte démembré usufruit/nue-propriété, le.s nu-propriétaire.s ne payera.ont pas de droits de succession sur les biens sur lesquels porte leur nue-propriété au décès du conjoint survivant (l’usufruitier).

Pour pouvoir éviter le paiement de droits de succession au décès de l’usufruitier, il faut toutefois être capable de prouver au fisc que l’origine du démembrement usufruit/nue-propriété provient de la succession du premier conjoint.

Concernant un bien immobilier, la preuve ne doit pas être rapportée auprès du fisc dès lors que tout est automatiquement enregistré au cadastre.

Par contre, concernant les comptes bancaires, la situation est différente. Dans ce cas, les héritiers ont deux possibilités, à savoir :

Ouvrir auprès d’une banque un nouveau compte spécial (usufruit/nue-propriété) et verser les avoirs bancaires de la succession sur ce compte. De cette manière, la traçabilité de l'usufruit et de la nue-propriété est respectée. Le problème pratique de cette solution est que les avoirs bancaires sont bloqués jusqu’au décès de l’usufruitier. Les héritiers ont la possibilité d’acquérir avec ces avoirs bancaires des biens en démembrement usufruit/nue-propriété (par exemple, un achat immobilier scindé en usufruit/nue-propriété).

Convertir l’usufruit et la nue-propriété. Cette conversion valorise l'usufruit et la nue-propriété, et rend à chacun l'équivalent de ce qui lui revient en pleine propriété. De cette manière, les avoirs bancaires versés aux nus-propriétaires ne seront pas taxés au décès de l’usufruitier. Un second avantage est que chaque partie peut alors disposer des avoirs bancaires comme bon lui semble.

Quelle est la valeur de l'usufruit et de la nue-propriété ?

L'usufruit dure en principe jusqu'à la fin de la vie de celui qui le détient. Par conséquent, la valeur de l’usufruit est calculée en fonction de l’âge de l’usufruitier et de son genre. La valeur de la nue-propriété s’obtient par différence selon le calcul suivant : valeur pleine propriété – valeur usufruit = valeur nue-propriété.

Il existe plusieurs tables de conversion permettant de déterminer la valeur d'un droit d’usufruit. A défaut d’accord entre les parties, la table légale s’applique.

Par exemple, la valeur de l’usufruit d’un homme âgé de 80 ans est de 8 %. Par différence, la valeur de la nue-propriété est de 92%.

Comment effectuer une conversion d'un droit d'usufruit et de nue-propriété sur un compte bancaire ?

Afin de procéder à la conversion, nous conseillons aux héritiers de signer entre eux une convention.

Cette convention a une double utilité :

1) elle reprend clairement les droits de chaque héritier dans la succession et évite toute revendication éventuelle ;

2) elle évite une seconde taxation des avoirs bancaires au décès de l'usufruitier. Dès lors que les nus-propriétaires recueillent des biens en pleine propriété, ils ne doivent plus démontrer au fisc l'origine d'un démembrement usufruit/nue-propriété car il n'y en a plus.

Suite à la signature de cette convention, les héritiers pourront donner à la banque les instructions de partage des comptes du défunt.

Les héritiers devront veiller à conserver la convention ainsi que les preuves de virements qui ont été effectués en application de celle-ci jusqu’au décès de l’usufruitier.

Qui peut demander la conversion de l'usufruit et de la nue-propriété ?

Toutes les parties. La conversion peut se faire à l'amiable ou par voie judiciaire.

Succession en usufruit - nue-propriété : exemple concret

Prenons l’exemple du décès de Jean.

Jean n’a pas rédigé de testament et est marié à Marie sans contrat de mariage.

Jean et Marie ont deux enfants, Claire et Lucie.

Jean et Marie sont notamment titulaires conjoints d’un compte bancaire avec un solde de 200.000 €.

Suite au décès de Jean, la moitié des avoirs bancaires, soit 100.000€, appartient en pleine propriété à Marie (à noter que ce montant n’est pas taxé au décès de Jean car il ne fait pas partie de sa succession, c’est la part de Marie dans la communauté des époux). Par contre au décès de Marie, des droits de succession devront être payés sur ce qu'il resterait de ce montant par ses héritiers.

L'autre moitié, soit 100.000 euros, appartient en usufruit à Marie et en nue-propriété aux enfants (ceci en application de la succession de Jean). Cette part fait partie de la succession de Jean et est donc taxée à son décès.

Marie étant âgée de 75 ans, son usufruit est de 13% (soit 13.000€) et la nue -propriété des enfants de 87% (soit 87.000€, à diviser par le nombre d'enfants).

Les héritiers (Marie, Claire et Lucie) ont en principe 3 possibilités concernant les 100.000€ reçus en usufruit/nue-propriété dans la succession de Jean :

1) Ne rien faire ou verser à Marie le montant sur un compte à son nom. Dans ce cas le fisc pourrait considérer que les nus-propriétaires ont abandonné leur nue-propriété au profit de l’usufruitier (= donation indirecte) . Au décès de Marie, le montant restant ferait l’objet d’une seconde taxation.

2) Maintenir le démembrement d'usufruit/nue-propriété en ouvrant un nouveau compte spécial (usufruit/nue-propriété) et en versant sur ce compte la somme de 100.000 €. Durant sa vie, Marie percevra les revenus produits du compte. Personne ne pourra toucher au capital, sauf accord commun. Au décès de Marie, les enfants deviendront pleins propriétaires du compte et ne devront pas payer de droits de succession.

3) Convertir les droits d'usufruit/nue-propriété des héritiers. Dans ce cas chaque héritier reçoit sa part en pleine propriété et est libre d’en faire ce qu’il souhaite. Dans notre exemple, Jeanne reçoit la somme de 13.000€ et les enfants 87.000€ (à diviser par le nombre d'enfants). De cette manière, les 87.000€ versés aux enfants ne seront pas taxés au décès de Jeanne.

Quid si le conjoint survivant a besoin de liquidités ?

Lorsque la situation usufruit/nue-propriété s’applique aux comptes bancaires des parents, les enfants estiment souvent que cet argent appartient à leurs parents et que ce n’est pas à eux de l’utiliser avant le décès du deuxième parent. Par ailleurs, il peut arriver que le conjoint survivant puisse en avoir besoin pour ses vieux jours.

Dans l’hypothèse où les comptes de la succession ont été placés sur un compte spécial usufruit/nue-propriété, le capital est donc bloqué jusqu’au décès du conjoint survivant. Ce dernier bénéficiera uniquement des revenus (mais pas du capital). Toutefois, si nécessaire, avec l’accord de tous les héritiers, le capital pourra être utilisé pour les besoins du parent survivant.

Dans l’hypothèse où l’usufruit/nue-propriété a été converti, chaque héritier a donc reçu « sa » part en pleine propriété. Dans l’exemple précédent, Claire et Lucie ont donc reçu ensemble 87.000€. Si leur maman Marie, devait avoir besoin de tout ou partie de cet argent ultérieurement, ils pourront toujours lui verser les montants nécessaires.

Pour résumer, avec l’accord de tous les héritiers, le parent survivant pourra donc toujours utiliser les fonds provenant de l’héritage si nécessaire.

Quelles conséquences pour la déclaration de succession ?

La déclaration de succession présente au fisc le patrimoine du défunt au moment de son décès.

La conversion d’usufruit, si elle est réalisée intervient après le décès. Par conséquent, celle-ci n’emporte aucune conséquence dans la déclaration de succession ni pour le calcul des droits de succession du premier décès.

Par contre, cela pourra avoir des conséquences au moment du second décès :

- Si aucune conversion n’est réalisée, et que les avoirs bancaires ont été déposés sur un compte ouvert uniquement au conjoint survivant ils devront être déclarés dans la succession du second des époux. En l’absence de conversion ou d’ouverture de compte spécial, il y a un risque que des droits de succession soient dus sur les montants même s’ils ont été taxés lors du premier décès ;

- Si une conversion est réalisée, seul les avoirs bancaires appartenant au conjoint survivant sont repris dans sa succession. Ceci simplifie donc en principe la déclaration de succession et évite une double taxation.

Nos conseils pour bien gérer une succession en nue-propriété

Que l’usufruit et la nue-propriété portent sur des comptes bancaires ou sur d’autres actifs du patrimoine qui compose la succession (des immeubles par exemple), il est important de se rappeler que l’usufruit et la nue-propriété sont des éléments difficilement dissociables, placés dans une forme d’indivision.

Pour prendre une décision sur un bien en usufruit/nue-propriété, il faut donc l’accord de chacun pour poser des actes de gestion ou de vente concernant le bien et l’usufruitier et le nu-propriétaire auront des obligations l’un envers l’autre.

Dès lors, l’idéal est que les potentiels usufruitiers (généralement les enfants du défunt) et le potentiel nu-propriétaire (en général, le conjoint survivant), s’entendent bien pour pouvoir prendre des décisions conjointes. Sinon, il faudra sans doute faire appel à un avocat pour régler les éventuels litiges qui pourraient émerger entre les parties.

Par contre, il est également possible de régler certains éléments en amont, si le défunt prévoit de rédiger un testament, par exemple en utilisant notre service de testament en ligne. Dans ce cas, il pourra préciser qui dispose de quoi à son décès et éviter des situations conflictuelles.

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