Le saut de génération

Louise
Experte succession
BLOG10 août 2023

En raison de l’augmentation de l’espérance de vie, on hérite désormais plus tard, autour de cinquante ans.  A cet âge-là, les héritiers ont généralement déjà bien entamé leur parcours de vie et ont peut-être “moins besoin” de cet héritage que d’autres membres de la famille, notamment les petits-enfants, qui eux, doivent pouvoir se lancer dans la vie professionnelle, acheter une maison, fonder une famille. Il est donc de plus en plus fréquent d’envisager ce que l’on appelle un saut de génération, qui permet de faire profiter la génération “en-dessous” de l’héritage et de diminuer les droits de succession.

Ce mécanisme du saut de génération permet en fait de faire en sorte que la succession des grands-parents revienne directement aux petits-enfants. Cette technique peut être réalisée de différentes manières, notamment par la renonciation des enfants du défunt lors de l’ouverture de la succession.

Comment procéder à un saut de génération ?

Pour réaliser un saut de génération, il faut que les enfants du défunt renoncent à la succession. Ainsi, les petits-enfants du défunt prendront la place des enfants dans la succession. Il s’agit donc d’un mécanisme de substitution : les petits-enfants prennent la place de leurs parents dans la succession.

Pour renoncer à une succession, il convient d’introduire une déclaration de renonciation devant un notaire. Cette déclaration prend la forme d’un acte authentique qui doit être signé par tous les héritiers renonçant, elle sera publiée au Moniteur belge dans les quinze jours qui suivent.

La déclaration de renonciation est gratuite si la succession du défunt comporte un actif net de moins de 6 093, 20 euros (montant indexé 2023). Pour rappel, pour calculer l’actif net, on fait la somme de tout ce que le défunt possédait comme biens, mobiliers comme immobiliers (l'actif brut), et on en déduit le montant des dettes et autres créances du défunt, notamment les prêts contractés (le passif). Si le résultat est inférieur à 6 093,20 euros, la déclaration de renonciation est exemptée du paiement des droits d’enregistrement et d’honoraires.

L’application de ce mécanisme dépend donc entièrement de la décision des enfants héritiers. En effet, pour qu’il y ait saut de génération, il faut obligatoirement que les enfants acceptent de renoncer à la totalité de l’héritage. C’est généralement ce principe du « tout ou rien » qui empêche l’application de ce mécanisme.

Que se passe-t-il après un saut de génération ?

Les enfants renonçants perdent leur qualité d’héritier et leurs enfants deviennent alors eux héritiers. Cette décision est irrévocable.

Ce « saut de génération » permet ainsi d’économiser des droits et des frais sur la succession. En effet, la succession ne sera taxée qu’une seule fois et non deux. En effet, sans ce mécanisme de substitution, les biens auraient été soumis une première fois à des droits de succession et à des frais divers (liés aux démarches), quand les enfants du défunt auraient hérité, puis une deuxième fois, quand les petits-enfants du défunt auraient hérité de leurs propres parents.

Quelles en sont les limites ?

Toutefois, cette forme d’optimisation fiscale envisageable est limitée étant donné que la renonciation ne peut aujourd’hui, en Région wallonne et à Bruxelles, jamais porter préjudice à l’administration fiscale. Cela signifie que les droits de succession à payer par les petits-enfants ne peuvent pas être inférieurs à ceux que le ou les parents renonçant auraient dû payer.

À partir du 1er janvier 2024, les choses devraient changer en Région bruxelloise : en effet, il est prévu d’abroger cette règle du “préjudice à l’administration fiscale”. Rien n’est encore prévu pour la Région wallonne.

A contrario, en Région flamande, les droits de succession à payer par les petits-enfants sont déterminés sur la base de leur part d’héritage. Le mécanisme du saut de génération permet donc une économie fiscale : en effet, plus l’héritage est fractionné, moins la part héritée est grande, donc moindres sont les droits de succession.

Exemple

Imaginons que Jean décède, laissant derrière lui un patrimoine de 600 000€ à sa fille unique, Marie. Dans ce cas, si Marie décide d’hériter, elle devra payer environ 115 000€ de droits de succession à l’administration fiscale.

Marie a elle-même trois enfants : Quentin, Guillaume et Camille. Si ces enfants devaient hériter d’un patrimoine de 600 000€, ils obtiendraient chacun un tiers de cette somme, soit 200 000€. Chacun devrait donc payer environ 15 000€ de droits de succession, car on grimpe moins vite dans les paliers.

En Wallonie et à Bruxelles, si Marie venait à renoncer à l’héritage de Jean au profit de ses enfants, Quentin, Guillaume et Camille devraient, à l’heure actuelle, quand même payer au total 115 000€ de droits de succession (environ 38 000€ chacun) en raison de ce principe de “non-préjudice envers l’administration fiscale” (en attendant son éventuelle abrogation en 2024 en Région bruxelloise). Par contre, en Flandre, ils ne paieraient bien “que” 15 000€ chacun, comme expliqué plus haut.

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